08.05.10 ALBERTO PASTORELLI
PASTORELLI Alberto (14 octobre 1917-31 janvier 1943)
A la mi-novembre 2009, le « Sindaco » de Valdieri Emanuel Parracone informe le docteur Bernard Gastaud, maire de La Brigue, que l’un de ses administrés, monsieur Riccardo Storto, s’est rendu en Russie au cours de l’été, et lors de son séjour à Miciurinsk, dans la région de Tambov, à 250 kilomètres au Sud-Est de Moscou, on lui a remis des plaquettes militaires de soldats italiens tués ou portés disparus sur le « front russe », afin de les restituer aux familles des « disparus de Russie » - comme le rappelle une ruelle de Tende.
Créé par le N.K.V.D. pour « accueillir » les prisonniers allemands, italiens, roumains, hongrois et les « Malgré-Nous » Alsaciens-Lorrains, le camp de Tambov et ses annexes sont jalonnés de fosses communes où sont inhumés, selon le ministère de la Défense italien, 4 178 combattants transalpins. Parmi les plaquettes, celle d’un natif de Valdieri et celle du Brigasque Alberto Pastorelli.
Alberto – Lorenzo, selon l’attaché territorial à La Brigue Marise Massa, Ippolito, selon José Banaudo – Pastorelli est né au 26 rue Spinelli à La Brigue du boulanger Gio Antonio Pastorelli et de Lucia Maria Giordano. Deux mentions en marge de l’acte de naissance indiquent que son père n’a pas pu le déclarer parce qu’étant sur les drapeaux, et qu’il est « mort en Russie courant 1943 ».
Nous pouvons reconstituer, dans une certaine mesure, son parcours militaire, grâce à la publication, en 2001, d’un recensement des morts et disparus en U.R.S.S. réalisé par l’« Institut d’Histoire de la Résistance » de Cuneo – à partir des registres communaux, des archives militaires italiennes et des archives russes de Moscou – et complété par l’enquête de José Banaudo publiée dans Le Haut-Pays d’août 2002. De la classe 1917, Alberto Pastorelli, manœuvre maçon dans le civil, porte le matricule « n. 35535 (40) C » et il est incorporé au bataillon « Ceva », 1er régiment d’« Alpini » de Mondovi, « Divisione Alpina Cuneense » - soit un peu plus de 17 000 hommes originaires du Piémont, de Ligurie et de la Roya – commandée par le général Emilio Battisti.
Un « Corpo di Spedizione Italiano in Russia » de 60 000 hommes a été envoyé sur le « front russe » au cours de l’été 1941, mais c’est le 9 juillet 1942 qu’est constituée, sous le commandement du général Garibaldi, l’A.R.M.I.R. (« Armata Italia in Russia »), ou VIIIe Armée : 250 000 soldats répartis en dix divisions de fantassins, dont la D.A.C., et onze escadrilles de soutien. 200 convois franchissent les cols du Brenner, du Tarvis et de Bohinij – en Slovénie -, traversent l’Autriche, l’Allemagne, l’ex-Pologne ou l’ex-Tchécoslovaquie, et atteignent enfin l’Ukraine. La VIIIe Armée devait initialement marcher vers le Caucase mais elle prend finalement position sur la rive droite du Don. Pendant ce temps, la Wehrmacht combat à Stalingrad…
Le 10 décembre 1942, l’Armée Rouge lance une puissante offensive sur le cours du Don moyen, tenu par la IIe Armée hongroise, la IIIe Armée roumaine et la VIIIe Armée italienne, et enfoncent les premières lignes… Les combats sont acharnés. A la fin du mois, les Allemands décrochent pour défendre Kharkov et le combinat du Donbass. Les « Alpini » se replient à partir du 10 janvier 1943 afin d’échapper à l’encerclement et entament, sous des conditions arctiques, une longue retraite de 300 kilomètres dans les plaines ukrainiennes, tout en combattant contre les partisans et les avant-gardes blindées soviétiques. Les divisions alpines « Julia », Tridentina » - constituées d’originaires de Vénétie et des Abruzzes, et de Lombardie - et « Cuneense » sont anéanties entre le 26 et le 28 janvier 1943 en défendant la ville de Valujki. Le chef de la « Cuneense », le général Battisti, est capturé avec les débris de son Etat-Major à Novo-Postojalovka. Les survivants parviennent à se regrouper à Kharkov le 30. La « Cuneense » a perdu 90 % de son effectif : 13 470 tués ou disparus. 1 600 rescapés et 2 180 blessés et invalides souffrant de gelures parviendront à rejoindre l’Italie. Parmi les victimes, 33 Tendasques et 24 Brigasques. A l’exception d’Antonio Bernardo Pastorelli, dont le décès est enregistré le 26 janvier, les 23 autres Brigasques sont portés « disparus » le 31 janvier 1943 – date de la dissolution de l’A.R.M.I.R. C’étaient pour la plupart d’entre eux des paysans, des manœuvres et des bergers, mais aussi, parmi les manquants, un meunier, un menuisier, un chauffeur, un étudiant et un professeur de gymnastique.
Dans quelles conditions Alberto Pastorelli a-t-il perdu la vie ? – tué au combat ?.... blessé et achevé lors de l’épouvantable longue marche des prisonniers italiens vers les camps de Tambov ?... mort d’épuisement ou de maladie dans l’un d’entre eux ? On ne le saura probablement jamais.
200 convois avaient été nécessaires pour transporter la VIIIe Armée italienne en Ukraine, 17 suffirent pour la rapatrier. « De la terre comme en Russie je n’en ai jamais vu : au moins 60 à 70 centimètres de terre noire, puis elle devient jaune. Même si l’on creusait à 30 mètres de profondeur, on ne trouverait pas facilement un caillou » - écrivait à ses parents le Brigasque Mario Benedetto, quelques jours avant d’y être enseveli.
La Brigue honore ses fils.
En ce 8 mai, le petit village de La Brigue, rendait un poignant hommage à ses enfants tombés au champs d’honneur. Les différents discours des personnalités, soulignaient le caractère universel de cet hommage. Il était dédié aux morts de toutes les guerres et quelque soit leur nationalité. Le village de La Brigue vit partir dans les plaines orientales de l’Europe ses enfants, 24 d’entre eux ne revinrent jamais. Cette année la cérémonie avait un caractère très particulier. Grâce aux investigations de monsieur Riccardo Storto de la province de Turin qui retrouva des plaques de soldats italiens dont celle du Brigasque Alberto Pastorelli au camps de Tambov en Russie, le docteur Gastaud maire de La Brigue, pouvait réunir autour du monument aux morts la famille de cette victime de la guerre et lui remettre cette plaque d’identité militaire. Alberto mort au combat ou des privations d’un camps de concentration, on ne le saura jamais, était en ce samedi 8 mai 2010, à l’honneur des cérémonies. Après les interventions successives du docteur Gastaud, de monsieur Balarello vice président du conseil général, du maire de Valdieri, village italien qui enthousiasma l’assemblé par ses traits d’humour et sa pratique du français, du président du conseil communal de Vintimille et de la famille d’Alberto, un sympathique vin d’honneur concluait cette magnifique commémoration de la victoire de la liberté sur l’oppression.
T Jan.
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